Interview de Jean Arthuis dans Le Point du jeudi 6 juin 2013
Un membre influent de la Commission des finances du Sénat dénonce, en 2008 les sommes dissimulées à l’étranger (Suisse et Belgique) par la grande distribution. Et il ne se passe rien !
C’est ce qui accrédite la thèse de l’abus de position dominante. Les grands groupes de la distribution agissent à l’égal des Google, Apple et autres Amazon pour optimiser (bel euphémisme !) leur facture fiscale. Tout est légal, il n’y a rien à redire sauf que le combat contre l’évasion fiscale restera une illusion aussi longtemps qu'il ne sera pas assumé par l'Europe.
Selon vous ces sommes dissimulées à l’étranger sont des commissions perçues sur les producteurs.
On peut dire que ce sont des marges arrière car ce sont des sommes prélevées sans services rendus. En agissant de la sorte la grande distribution tue nos producteurs. Elle prétend en plus que ses implantations à l’étranger favorisent le « made in France ». Les grandes surfaces françaises en Chine, au Brésil, en Inde… regorgeraient de nos produits. C’est faux bien sûr. En vérité la France est bien naïve.
Pourquoi ?
Si vous êtes un industriel français, essayez de placer vos produits au Japon ou en Chine. Vous allez vous heurter à des systèmes de distribution traditionnels et éclatés. En France les exportateurs étrangers, pour peu qu’ils aient un produit bon marché, auront devant eux des autoroutes. La grande distribution fait ses emplettes en Asie. Le pouvoir de la grande distribution n’a cessé de croître. Face à elle les producteurs nationaux soit se laissent étrangler soit délocalisent.
Mais comment remettre les choses à niveau?
Il faut combattre les abus de position dominante. Il faut aussi faire peser la fiscalité davantage sur la consommation que sur la production. La compétitivité de la production est plus importante que celle de la distribution. Nous avons fait l'inverse.
L’élu local, le sénateur de la Mayenne que vous êtes, comment résiste-t-il à la grande distribution et à ses promesses de créations d’emploi
C'est une responsabilité gouvernementale. En se proclamant "défenseur des consommateurs", la grande distribution met aisément le Gouvernement de son côté. Elle a longtemps, à l'occasion de la création des supermarchés, entretenu une complicité sulfureuse avec les partis politiques. L'époque des financements suspects est heureusement révolue. Tout gouvernement a les moyens de faire cesser les pratiques abusives. Le pouvoir d'achat, c'est d'abord le revenu tiré du travail et de la production.
