DANS LES MÉDIAS

Ouest France : Tribune de Jean Arthuis "Emplois en Chine, consommation en Europe"
11/06/2013

Le 11/06/2013 - Tribune de Jean Arthuis, Vice-Président de l'UDI en charge du projet européen, parue dans Ouest France
Le mot est lâché, l’Europe et la Chine sont en « guerre ». La décision prise par la Commission de Bruxelles de taxer les panneaux solaires déclenche une chaîne de réactions riches d’enseignements sur l’état des forces économiques en présence. Mais aussi sur nos contradictions  mortifères. Premier enseignement, l’Union européenne, par la voix de la Commission, entend exercer son autorité et freiner l’envahissement du marché par des produits importés à des prix dérisoires. Je salue cette décision en regrettant toutefois qu’elle intervienne si tardivement. La situation est telle que les entreprises européennes ayant tenté de développer la production de panneaux photovoltaïques sont mort-nées.  Je crains donc que le processus soit irréversible. En outre, ce qui est vrai pour ces panneaux, pourrait trouver à s’appliquer dans de nombreux autres domaines. Là où les Etats-Unis sont volontaristes et pragmatiques, l’Europe doit impérativement sortir de sa pusillanimité et affirmer une politique commerciale claire. L’enjeu est crucial pour la croissance et pour l’emploi. Deuxième enseignement, ce qui fait unanimité au sein de la Commission est cause de discorde entre les Etats. En effet 18 membres sur 27 contestent la mesure. Et chacun voit midi à sa porte, privilégiant ses propres intérêts. Les Etats du Nord de l’Europe s’opposent à ceux du Sud : les premiers (les pays scandinaves, Pays-Bas) très libéraux ne conçoivent pas une lutte anti-dumping et voient plutôt l’intérêt du consommateur tandis que les Etats du Sud visent à protéger plutôt les producteurs et les industries. Angela Merkel, certes à la veille d’élections décisives, prend avant tout en compte les intérêts de l’Allemagne et conteste cette tentative audacieuse de freiner des importations à vil prix. Dans cette « guerre », les Chinois auront beau jeu d’aviver les fractures qui divisent les pays du marché unique. Pathétique spectacle de foire d’empoigne. A l’heure de la mondialisation, les Etats membres de l’Union vont devoir cesser de réduire l’Europe à une addition d’égoïsmes nationaux. Plus près de nous, les considérations catégorielles sont en alerte rouge. Comment concilier les exportations de vins prestigieux avec l’importation entravée de panneaux solaires ? Cela dit, les Chinois ont déjà investi dans les vignobles bordelais ! Et je ne doute pas que nous allons assister à la montée de nombreuses protestations, chacun défendant son pré carré, ne mesurant que les effets immédiats. C’est dire si la vision stratégique des autorités françaises se fait attendre. Et comme la facilité consiste à privilégier la consommation et les prix les plus bas, une fois de plus, je redoute les conditions de « l’armistice ». Allons-nous enfin nous affranchir de la tyrannie du court terme ? L’Europe traverse une phase décisive. Son pilotage politique est manifestement défaillant. Il est tombé dans le panneau de l’incohérence. Après l’inconséquence scandaleuse de la gouvernance des dix premières années de la zone euro, l’Union européenne est aujourd’hui mise en demeure de démontrer qu’elle récuse la conception chinoise de la répartition des rôles : « les emplois en Chine, la consommation en Europe ». Je veux croire que cet épisode de « guerre » est bien l’électrochoc dont nous avions besoin pour faire de l’Europe une puissance industrielle, commerciale et politique.