Les questions

Aménagement du territoire
Catherine Morin-Desailly 24/04/2015

«Habitat adapté aux personnes adultes en situation de handicap»

Mme Catherine Morin-Desailly

 Madame la secrétaire d’État, je me permets d’attirer votre attention sur la question de l’habitat adapté aux personnes adultes en situation de handicap psychique, que l’on appelle les « résidences accueil ». Pour mémoire, une résidence accueil est un lieu d’habitation spécialisé dans l’accueil de personnes handicapées ou fragilisées à cause de troubles psychiques, jeunes ou moins jeunes, sans domicile fixe et souvent hospitalisées depuis de nombreuses années en raison du manque de solutions adaptées. Ces locataires sont entourés vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des professionnels formés à la psychiatrie. Ils n’ont pas la capacité de vivre de façon autonome, sans qu’une place dans un établissement spécialisé soit pour autant nécessaire. Actuellement, il existe quelques résidences accueil en France, mais seulement une de dix places dans l’agglomération rouennaise, qui compte plus de 500 000 habitants. L’association La Clé, qui s’occupe de ces personnes en attente de logement adapté, a récemment présenté un projet complet à l’agence régionale de santé, à la direction départementale de la cohésion sociale et au département de la Seine-Maritime. Tous ont reconnu, lors d’une réunion commune qui s’est tenue le 7 février 2014, la nécessité de développer ce type d’hébergement. Basée sur une enquête auprès des services spécialisés, des centres communaux d’action sociale et des services de tutelles aux majeurs protégés, l’association La Clé démontre qu’il existe un besoin de plus de quatre-vingts places sur l’agglomération rouennaise. Je voudrais rappeler que, à ce jour, ces personnes sont soit hospitalisées mais sortantes car stabilisées, soit hébergées entre deux périodes d’hospitalisation dans des hôtels gérés par des marchands de sommeil, faute d’autres solutions. Ces personnes sont hospitalisées la moitié de l’année. Le prix d’une journée s’élevant à 486 euros, cela représente un coût pour la collectivité de 1 773 900 euros par an. Par comparaison, le coût de fonctionnement d’une résidence accueil s’élève à 263 864 euros par an. À l’évidence, il serait donc préférable de favoriser l’accueil des personnes souffrant de troubles psychiques dans une résidence spécialisée au lieu d’augmenter les dépenses de santé par des hospitalisations successives. Madame la ministre, comme vous l’aurez compris, je souhaiterais en conséquence connaître les intentions du Gouvernement pour que soit agréé prioritairement ce type de structure et rendre ainsi applicable le droit à un logement adapté.

Réponse de Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Madame la sénatrice, vous avez attiré l’attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la question de l’habitat adapté aux personnes adultes en situation de handicap psychique, que l’on appelle les « résidences accueil ». Comme vous le soulignez, ce type de dispositif constitue l’une des modalités de logement des personnes en situation de handicap psychique. Il s’agit en effet d’un habitat partagé associant un logement privatif pour chaque personne à la présence de lieux collectifs de vie, tout en proposant une aide au quotidien. En effet, à la qualité de l’habitat doit être systématiquement associée la qualité de l’accompagnement quotidien. Sachez que nous sommes convaincus de l’intérêt d’un tel dispositif qui trouve pleinement sa place dans les politiques de santé mentale et du handicap portées par le Gouvernement ; ce dispositif est d’ailleurs déployé en Haute-Normandie comme dans plusieurs autres régions. À juste titre, vous évoquez l’action d’une association rouennaise – l’association La Clé – qui porte en effet un projet de création d’une résidence accueil dans le cadre d’un partenariat avec le centre hospitalier spécialisé du Rouvray. Concernant la Haute-Normandie, un appel à projets pour le développement d’un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés a été lancé par l’agence régionale de santé, ou ARS ; ce service permettra de garantir la continuité de l’accompagnement quotidien des personnes. Ainsi, ce sont 96 places qui ont été autorisées pour couvrir les besoins de la Seine-Maritime, dont 38 places supplémentaires pour l’association La Clé, pour un coût de 16 000 euros la place. Toujours dans votre région et grâce à une politique volontariste de l’État, des mesures nouvelles pour la création d’une résidence accueil ont été fléchées en 2014 sur le territoire de Dieppe et complétées par la création d’un même service d’accompagnement. La Seine-Maritime compte donc à ce jour 284 places de pension de famille et 70 places de résidence accueil. Conformément aux orientations fixées par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap, le 11 décembre 2014, le développement de formules innovantes de logement pour les personnes en situation de handicap fait partie des priorités. L’objectif est clair : rendre effectives l’inclusion et la pleine participation sociale des personnes en situation de handicap. Ainsi, Mme la ministre mobilise actuellement avec Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre les exclusions, l’ensemble des partenaires du secteur du logement, des collectivités et des associations représentatives des personnes afin d’aboutir d’ici à la fin de l’année à un plan d’action permettant de répondre aux aspirations légitimes des personnes, celles d’avoir un « chez soi » et d’y être accompagné à la hauteur de ses besoins et attentes.

Réplique de Mme Catherine Morin-Desailly

Je vous remercie pour ces éléments de réponse, madame la secrétaire d’État. Je note que, sur 96 places pour l’ensemble du département de la Seine-Maritime, 38 concerneraient la seule agglomération rouennaise. Si cela était, on resterait encore loin du compte, puisque le besoin est de 80 places. Mais je m’étonne de cette information, qui me semble en contradiction avec un certain courrier en date du 27 février dernier adressé par la direction départementale de la cohésion sociale, pôle hébergement et accès au logement, au directeur de l’association La Clé : il y est écrit que les capacités budgétaires ne permettent pas de développer l’offre départementale au-delà de l’existant. Je pense donc qu’il existe une déconnexion entre les décisions nationales et celles de l’ARS, d’une part, et les décisions notifiées aux intéressés à la signature du préfet par délégation, d’autre part. Je ne sais pas si vous pouvez m’apporter des éléments d’information complémentaires, mais, pour l’instant, je ne suis pas du tout rassurée.