Les interventions en séance

Institutions
Daniel Dubois 05/05/2010

«Projet de Loi relatif au Conseil économique, Social et environnemental»

M. Daniel Dubois 

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi organique met en œuvre la révision constitutionnelle de 2008 sur un point d’importance : il modernise la troisième assemblée constitutionnelle du pays, le Conseil économique et social.
Le changement est d’abord sémantique : le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental. Mais, par-delà le nom, c’est une véritable réforme de l’institution qui est proposée. Elle s’articule autour de trois axes : élargissement de la compétence du Conseilaux questions environnementales ; création d’une saisine parlementaire ; instauration d’une saisine par voie de pétition.
Compte tenu de l’évolution de notre société, je me réjouis de la disposition centrale de ce texte, qui tend à modifier la composition du Conseil économique, social et environnemental. Une telle modification constitue un exercice toujours difficile et souvent polémique. En effet, chaque secteur d’activité s’estime généralement sous-représenté et, au sein de chaque activité, chaque organisation s’estime plus légitime que les autres pour désigner des membres.
Comme l’ont rappelé les précédents orateurs, le compromis auquel nous sommes parvenus aujourd’hui est le fruit d’un long processus ; je pense qu’il faut protéger cet équilibre, car il est fragile.
Ainsi, la composition du Conseil sera bien plus en adéquation avec les réalités de notre pays. Cette évolution permet donc l’apparition de deux nouvelles catégories de membres : les jeunes et les étudiants, d’une part ; les associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l’environnement, d’autre part.
Les évolutions constitutionnelles décidées en 2008 imposaient une contrainte supplémentaire : le plafonnement à 233 du nombre total des membres du Conseil. Cette limitation implique mécaniquement que d’autres catégories soient moins représentées. La recomposition devant s’effectuer à effectifs constants, le Gouvernement s’est donc engagé dans un difficile travail d’arbitrage.
Certains ont vu leur représentation supprimée : c’est le cas des entreprises publiques, en premier lieu, ou encore des Français établis hors de France. Je tenais à revenir sur cette première suppression, qui me paraît peu légitime.
La suppression pure et simple du groupe des entreprises publiques est difficile à justifier, car celles-ci continuent à jour un rôle clé dans certains secteurs de notre économie, comme les transports ou l’énergie, et emploient près de 850 000 personnes. C’est pourquoi il est souhaitable d’assurer le maintien de la représentation des entreprises publiques au sein du Conseil.
Je tiens donc à saluer les avancées proposées par le rapporteur sur cette question. Le « fléchage » de trois des dix personnalités qualifiées dans le domaine économique permettra de maintenir la représentation des entreprises publiques au sein du Conseil, ce qui me semblait indispensable.
D’autres catégories ont vu leur représentation nettement amoindrie : c’est le cas du monde agricole, dont la représentation est réduite de cinq sièges au titre des exploitants agricoles, et de six sièges au titre de la mutualité et des coopératives agricoles. Il faut le dire ici publiquement : le monde agricole, qui connaît actuellement de grandes difficultés, comme nous le savons tous, a consenti un effort important pour permettre l’entrée de nouveaux membres, puisqu’il perd globalement onze représentants à l’issue de la réforme. Nous pouvons le remercier de cet effort, d’autant que l’environnement, qui « entre » désormais au Conseil, est lié en quelque sorte à l’agriculture.
Dans ce contexte, peu de catégories parmi celles qui sont déjà représentées au CESE ont vu leur représentation augmenter. C’est toutefois le cas des professions libérales, dont le nombre de sièges passe de trois à quatre, et des associations autres que les associations familiales et environnementales, dont le même nombre est porté de cinq à huit. Ce point doit être relevé et l’orateur précédent aurait pu le préciser.
Cette nouvelle composition, conjuguée avec l’instauration d’une règle de parité et avec la limitation du nombre de mandats consécutifs à deux, se traduira par un renouvellement du Conseil très important pour la prochaine mandature et significatif pour les renouvellements suivants.
J’en viens à la deuxième innovation majeure de la réforme constitutionnelle : la possibilité donnée à l’ensemble des citoyens de saisir, par le biais d’une pétition, le CESE d’une question particulière, que cette dernière touche à des enjeux économiques, sociaux ou environnementaux. Cette nouvelle saisine offrira aux acteurs de la société civile une voie d’intervention plus structurée dans le débat public.
Pour ce qui concerne le rapprochement du CESE et du Parlement, je me félicite d’abord que les deux assemblées puissent dorénavant consulter le Conseil sur tout problème à caractère économique, social ou environnemental. Depuis 1958, cette possibilité était réservée au seul Gouvernement. Une telle mesure sera l’opportunité pour les parlementaires d’élargir leur champ d’expertise. Ensuite, le fait que le CESE ait compétence pour appeler l’attention du Parlement, et non plus seulement du Gouvernement, est une avancée intéressante. Enfin, la transmission systématique de tous les avis du Conseil aux présidents des deux assemblées parlementaires conforte la coopération de ces dernières. Il faut saluer ces progrès.
Ce renforcement des liens unissant le CESE au Parlement permettra aux sénateurs que nous sommes, mes chers collègues, souvent en déficit d’expertise par rapport au Gouvernement lorsque nous examinons un projet de loi, de mobiliser de nouveaux moyens à l’appui de nos analyses et de nos propositions.
Toujours à propos des liens entre le Parlement et le Conseil, un amendement a retenu mon attention et celle des membres de mon groupe. Déposé par M. le rapporteur en commission des lois puis malheureusement retiré, il prévoyait que les présidents des deux assemblées désignent chacun un tiers des personnalités qualifiées, le dernier tiers étant toujours désigné par le pouvoir exécutif, comme c’est le cas aujourd’hui.
Certes, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé en commission à ce que le Gouvernement consulte, entre autres, les présidents des deux assemblées sur ces projets de nominations. Mais force est de constater que cet engagement ne vaut que pour l’actuel gouvernement.
Aussi nous soutiendrons majoritairement la position défendue aujourd’hui par notre collègue M. Vial qui consiste à inscrire dans le texte que le président du Sénat ainsi que celui de l’Assemblée nationale seront toujours consultés avant la nomination de ces personnalités qualifiées, qui représentent, il faut le rappeler, un sixième des membres du Conseil économique, social et environnemental.
Le CESE, troisième assemblée constitutionnelle de notre pays, a incontestablement un rôle de premier plan à jouer dans la modernisation de nos institutions. Mais pour cela, il doit rester au contact de la société réelle, en perpétuelle mutation.
Pour qu’il puisse garder ce contact, sa composition doit pouvoir évoluer régulièrement, afin de toujours refléter fidèlement l’importance économique et sociale des principales activités du pays.
Aussi l’insertion, sur l’initiative de M. le rapporteur, d’un nouvel article visant à favoriser la révision régulière de la composition du CESE permettra à cette instance d’être toujours en adéquation avec la réalité économique et sociale du pays.
Pour conclure, je tiens à saluer l’excellent travail de M. le rapporteur, Jean-Pierre Vial, qui a su apporter des améliorations pertinentes à un texte dont l’équilibre fragile laissait peu de marge de manœuvre. Ces améliorations permettent à la commission des lois de présenter un texte que la majorité des membres de mon groupe souhaite voir adopter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)