Les interventions en séance

Agriculture et pêche
Françoise Férat, Anne-Catherine Loisier, Pierre Medevielle, Jean-Pierre Moga 25/09/2018

«RELATIONS COMMERCIALES DANS LE SECTEUR AGRICOLE ET ALIMENTAIRE (NOUVELLE LECTURE) - Discussion générale»

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Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques . - Ce texte a connu un parcours inédit. Rapidement, l'intransigeance et les revirements des députés ont abouti à une marche arrière. Sur le fond, les désaccords se sont accentués. La charge des agriculteurs et des industriels s'est aggravée. C'est injustifiable.  Lors de la deuxième lecture, les députés ont ajouté des points de désaccords, trahissant l'esprit des états généraux de l'alimentation. Le titre II ajoute de nouvelles charges, notamment pour les produits phytosanitaires ; chacun veut en limiter l'usage, en raison des risques et des coûts. Les agriculteurs, les premiers : la France est l'un des pays en utilisant le moins à l'hectare. Ce texte déstabilisera un système vertueux de maîtrise des usages, en séparant le conseil de la vente de produits phytosanitaires : il n'y aura plus de conseil. La signature de chartes avec les riverains est stigmatisante et déresponsabilisante. Le dogmatisme l'a emporté, l'usage des drones en terrain dangereux sera limité aux produits bio ! Le fonds d'indemnisation des victimes de phytosanitaires - proposé par Nicole Bonnefoy et adopté à l'unanimité par le Sénat, et alors que la justice américaine a condamné il y a peu Monsanto - est balayé. Les députés ajoutent des charges pour la restauration collective y compris pour des boîtes réutilisables, et non seulement le plastique jetable, ce qui était l'objet initial du texte. Tous ces secteurs devront réinvestir dans l'urgence, changer leur matériel d'ici 2020 et le consommateur paiera la facture ! 

La majorité gouvernementale confirmera le durcissement du texte en nouvelle lecture. Notre travail se poursuivra par un groupe de suivi et une saisine du Conseil constitutionnel. Signez-la ! 


M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Ne revenons pas sur l'échec de la CMP, ce gâchis... À l'article 11 ter, l'Assemblée nationale a été plus loin qu'en première lecture sur l'utilisation des contenants en plastiques dans les cantines scolaires. Cette mesure est à la fois insuffisante et trop radicale : s'ils sont nocifs, pourquoi attendre 2025 pour les interdire ? S'ils ne le sont pas - nous n'avons pas de preuve - c'est excessif.  Je regrette la suppression par l'Assemblée nationale de l'article 11 quater A introduit par le Sénat. Que craignez-vous de cette saisine de l'Anses par la représentation nationale, déjà possible par les associations ? Je regrette le rétablissement systématique de sa version par l'Assemblée nationale, notamment sur les produits phytopharmaceutiques où notre rédaction était équilibrée. Elle a ajouté une mesure nouvelle qui vise l'intégralité du territoire, alors que nous proposions un outil plus souple, en fonction des territoires. Je regrette la suppression de fait de l'article 14 sexies A, adopté à l'unanimité par scrutin public au Sénat, créant un fonds d'indemnisation des victimes de l'utilisation des produits phytosanitaires. À la place, un énième rapport est prévu. Le Sénat ne baissera pas la garde.

Faute de moyens, cette loi ne contribuera que très modestement à la transition vers une agriculture plus durable. 


Mme Françoise Férat . -  Ce projet de loi est décevant. Les conclusions des états généraux de l'alimentation avaient créé l'espoir. Là, comme trop souvent avec ce Gouvernement, les discours sont volontaristes mais les actes sont minimalistes, quand ils ne détricotent pas ce qui fonctionne - comme sur les pratiques contractuelles dans la viticulture. En première lecture, le Sénat a apporté sa contribution, en recherchant le compromis. Mais la CMP a échoué car les députés sont restés figés sur les positions du Gouvernement - quitte à renier leurs propres votes ! - et nos apports ont été balayés. Décevant, ce texte est aussi alarmant pour nos agriculteurs et notre économie. Il aura des effets économiques nuls voire dangereux. L'objectif était d'assurer un juste revenu agricole et de rééquilibrer les négociations entre la grande distribution et les filières. Au final, c'est de la poudre de perlimpinpin ! Refuser que les agriculteurs puissent s'appuyer sur les indicateurs incontestables pour la formation des prix est une erreur. Pour sauver la ferme France, plus de 250 solutions d'avenir ont déjà été identifiées par les agriculteurs mais le Gouvernement ne tient nul compte de ce « contrat de solutions ». Sans doute ne l'avez-vous pas lu, Monsieur le Ministre ?

En visite hier sur le pôle de compétitivité de la Marne, nous avons évoqué la formation des élites de la Nation aux enjeux du monde agricole et de la bioéconomie. Les agriculteurs et les techniciens sont prêts à y travailler. Appuyons-nous sur les territoires pour un véritable travail partenarial !


M. Jean-Pierre Moga . -  Après Françoise Férat, je ne reviendrai pas sur le manque d'ambition de ce texte, bien éloigné des réalités. Nous regrettons la méthode adoptée par les députés de la majorité et par le Gouvernement. En première lecture, nos rapporteurs et l'ensemble des groupes du Sénat ont fait un travail sérieux. Nous avons eu des échanges de fond, fait des propositions sur tous les titres. Nous ne voulions pas dénaturer le texte, espérant parvenir à un compromis avec l'Assemblée. Quelle déception en CMP, où les propositions du Sénat n'ont même pas été écoutées ! Ainsi nous voulions donner des pouvoirs importants à l'Observatoire des prix et des marges, garanties de professionnalisme et d'indépendance. Au lieu de cela, il n'interviendra qu'a posteriori. La création d'un fonds d'indemnisation des victimes professionnelles des produits phytopharmaceutiques avait été adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée. Comment imaginer ce rejet par les députés ? Autre sujet de désaccord, l'interdiction brutale et précipitée de nombre d'objets en plastique, sans mesure des conséquences sur l'emploi, les collectivités et l'industrie. Dommage que l'Assemblée nationale refuse de discuter avec le Sénat qui lui aurait permis de retrouver cohérence et mesure. Comment vouloir interdire les produits phytosanitaires tout en supprimant le fonds d'indemnisation des victimes ? Vouloir simplifier les normes tout en en créant de nouvelles, plus contraignantes ? À quoi bon débattre sur ce projet de loi ? Le bicamérisme est le garant de la bonne construction de la loi. Il suppose un respect mutuel entre les deux chambres. Le groupe UC votera la question préalable car au-delà du texte c'est aussi une sonnette d'alarme pour nos institutions.