Les interventions en séance

Affaires sociales
Vincent Capo-Canellas 30/06/2015

«Projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques»

M. Vincent Capo-Canellas président de la commission spéciale

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais aborder, dans les quelques minutes qui me sont consenties, la procédure et le fond. Je commencerai par évoquer brièvement la procédure. Nous examinons le projet de loi en nouvelle lecture. L’Assemblée nationale n’aura ensuite le choix qu’entre reprendre nos amendements ou revenir à son texte : elle n’aura plus la faculté d’adopter de nouveaux amendements. C’est dire, monsieur le ministre, que cette nouvelle lecture devant le Sénat constitue la dernière possibilité de faire évoluer un projet de loi qui appelle encore des modifications. Notre travail législatif doit satisfaire à cette contrainte procédurale : nous devons garder à l’esprit que les amendements que nous adopterons pourront ou non être repris par l’Assemblée nationale. Nous aurons sans doute à cœur de nous concentrer sur les dispositions adoptées en nouvelle lecture par les députés, pour beaucoup à contretemps, après une commission mixte paritaire qui n’a échoué que parce qu’elle s’est réunie avant le congrès de Poitiers et que les frondeurs ne pouvaient accepter le principe même d’un accord, fût-il partiel, avec le Sénat. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.) À bien des égards, cette nouvelle lecture devant le Sénat est utile. Chacun sait que le texte transmis par l’Assemblée nationale n’a pas fait l’objet d’un vote et que, cette fois, nos collègues députés ne l’ont même pas examiné en séance. Le Sénat sera la seule assemblée à avoir examiné et voté ce projet de loi, même si le texte adopté ici sera bien éloigné des intentions du Gouvernement. Cette nouvelle lecture est donc, je le crois, salutaire et la démocratie parlementaire, dont je ne suis pas certain qu’elle ait été grandie par la procédure utilisée à l’Assemblée nationale, en sortira gagnante. Nous comblons ici une attente de débat parlementaire. Cette nouvelle lecture devant la Haute Assemblée est aussi utile, car des améliorations juridiques doivent logiquement être apportées au texte arbitré en commission – parfois laborieusement, mais c’est légitime – avant son vote en séance publique. Or l’Assemblée nationale a été privée de cette étape de la séance publique plénière. Nos excellents corapporteurs ont pu s’atteler à ce travail légistique majeur. Le projet de loi en sortira renforcé et précisé. En commission, nous avons adopté conformes une centaine d’articles sur lesquels nous avons constaté un accord avec l’Assemblée nationale. Cela a été possible, car celle-ci a fait un pas vers le Sénat. Toutefois, si ce pas est substantiel, il demeure insuffisant. Cela m’amène à aborder le fond du texte. Pour bien des articles, nous sommes revenus à la version adoptée par le Sénat en première lecture, car nous avons, à regret, constaté que les appels au dialogue lancés par notre assemblée n’ont pas été entendus, ou en tout cas pas suffisamment. Il existe bien sûr aussi des différences en termes d’approche politique, et c’est légitime. Nous ne referons pas ici les débats de la première lecture ; ce serait vain de toute façon. J’exprimerai néanmoins les regrets que nous inspirent les dispositions relatives aux notaires et, plus globalement, aux professions réglementées, sujet sur lequel vous persistez, monsieur le ministre, dans une approche dogmatique. Il est temps de débloquer la situation, ne serait-ce qu’un peu ! Sinon, vous resterez dans les mémoires comme celui qui a déréglé tout un secteur de l’emploi et de l’activité. En ce qui concerne les accords de maintien dans l’emploi et le droit du travail, nous passons à côté d’une adaptation nécessaire et utile à l’emploi. Qui faut-il croire ? Le ministre qui émet un avis de sagesse sur la prise en compte de la situation du secteur d’activité dans la définition du licenciement économique ou les députés de sa majorité qui refusent cette avancée ? On pourrait s’étonner de ce mystère français, de cette curiosité que constitue notre incapacité à nous réunir sur l’essentiel, à accepter les règles de l’économie de marché et à tirer les conséquences de la mondialisation ou de la numérisation de l’économie. À cet égard, le tempo même de votre travail de réforme est parlant : il y a, curieusement, un avant et un après Poitiers, et ce qui n’était pas possible lors de la réunion de la commission mixte paritaire l’est devenu pour partie ultérieurement. On pourrait soutenir que vous êtes contradictoires, désordonnés et parfois compulsifs. (M. le ministre sourit.) Surtout, on peut vous reprocher cette marche en avant si souvent interrompue par des marches arrière que l’on ne voit plus en quoi vous avancez…
J’ai entendu, au salon du Bourget, le Premier ministre annoncer la stabilité des dispositifs du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et du crédit d’impôt recherche. Je l’en ai félicité, mais j’entends maintenant le président de l’Assemblée nationale, en campagne électorale il est vrai, soutenir exactement le contraire. Comment favoriser la croissance, lever les freins à l’adaptation dans ce contexte ? « J’aime l’entreprise », a déclaré M. Valls : ni le projet de loi défendu par M. Rebsamen ni celui-ci ne traduisent ses promesses de libéralisation. Il faut vous reconnaître une circonstance atténuante : votre majorité à l’Assemblée nationale vous contraint et contrecarre vos velléités. Ainsi, M. Macron paraît être le Potemkine de la politique libérale du Gouvernement. (Sourires.) Derrière la façade, il n’y a pas grand-chose.En cela, monsieur le ministre, les frondeurs sont injustes avec vous : ils vous critiquent pour bien peu !
Au contraire, la commission spéciale, dont je remercie chacun des membres, s’est attachée à redonner un cap à ce texte. Je souhaite que nos débats permettent d’enrichir encore le travail du Sénat.(Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)